Cette publication de veille éclaire un fait marquant de l’actualité récente : la mise en place de la première base militaire chinoise permanente à l’étranger. A partir d’une sélection de sources ouvertes, d’analyses et d’arguments d’experts internationaux, l’auteur expose les faits saillants liés à l’inauguration officielle de cette base militaire chinoise permanente à Djibouti le 01 aout 2017. Il expose également le contexte général de cette « première » stratégique et en apprécie enfin les conséquences en termes d’enjeux et de défis posés.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent pas le CSFRS.
Les références originales de ce texte sont: Fabien Delheure, « Base militaire chinoise à Djibouti : symbole d’un changement de posture stratégique », Centre de Documentation de l’Ecole Militaire, 14 Décembre 2017
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Base militaire chinoise à Djibouti : symbole d’un changement de posture stratégique
Le 1er août 2017, la République Populaire de Chine (RPC) ouvrait officiellement à Djibouti sa première base militaire permanente à l’étranger[1]. Les autorités de Pékin se sont félicitées d’un évènement révélant une évolution significative de leur politique étrangère et de défense. La communauté internationale, en particulier les Etats-Unis et la France mais aussi les rivaux indien et japonais, cherchent à saisir les objectifs et les conséquences géopolitiques de cette « première » stratégique chinoise.
Faits
Cette inauguration coïncide avec le 90e anniversaire de la fondation de l’Armée Populaire de Libération (APL). Elle suit l’accord sino-djiboutien de mai 2015 et le premier envoi de troupes chinoises à Djibouti le 11 juillet 2017. La Chine pourrait déployer sur place un millier de soldats permanents et 10 000 hommes potentiels[2] jusqu’en 2026 au moins, avec éventuellement des forces spéciales[3] et des aéronefs de l’APL. Commencée en février 2016, cette base navale devrait être pleinement opérationnelle courant 2018 sous le commandement du senior captain Liang Yang. Elle jouxte le nouveau port de Doraleh (inauguré fin mai 2017) et la zone franche de Djibouti-ville, tous deux construits par les Chinois. Un cantonnement militaire complète l’ensemble à Obock, au nord du golfe de Tadjourah. Le ministère de la Défense chinois évoque des « facilités logistiques » et met en avant le soutien dans la lutte anti-piraterie, les interventions humanitaires et la protection de ressortissants[4]. Nombre d’analystes sont sceptiques au vu des observations satellitaires de l’implantation[5]. L’annonce en mars 2017 du renforcement du corps des marines chinois, déployables à Djibouti et Gwadar, ou le lancement le 26 avril 2017 d’un 2e porte-avions, le Shandong Type-001A (le premier
entièrement construit en Chine), sont en effet souvent perçues comme les étapes cumulatives d’une politique « expansionniste » planifiée.
Les réactions internationales. Djibouti affiche sa satisfaction d’un approfondissement du partenariat avec Pékin[6], aide supplémentaire contre le terrorisme et la piraterie dans la Corne de l’Afrique ainsi qu’à la formation des 8 500 soldats des Forces Armées de Djibouti (FAD). Comme l’Ethiopie, certains pays africains s’interrogent sur le niveau de convergence entre leurs intérêts et les objectifs chinois. Le Japon et l’Inde s’inquiètent devant cette présence chinoise accrue dans une zone stratégique[7]. Les pays occidentaux sont méfiants, surtout les Etats-Unis qui ont fait pression contre cette installation qui en annonce d’autres selon eux[8]. En mars 2017, le général Waldhauser, commandant de l’Africom[9], s’était déjà interrogé à dessein devant le Congrès américain sur la nature réelle de cette base. Plus mesurée, comme les autres Etats européens, la France suit toutefois l’évolution des activités chinoises près de sa propre emprise militaire, dont les premiers exercices de l’APL sur place en septembre et fin novembre 2017.
Contexte
Une stratégie chinoise multiforme désormais à vocation mondiale. Cette base de Djibouti s’inscrit dans le « rêve chinois » de son dirigeant Xi Jinping, dont fait partie la vision d’une Chine grande puissance maritime mondiale (haiyang qiangguo). Dans le cadre de la stratégie globale de « défense active » présentée comme dissuasive, le 9e Livre Blanc de la Défense du 26 mai 2015[10] recommande l’extension des capacités de projection chinoises et la possession consécutive d’une flotte hauturière. Depuis la stratégie des « trois lignes d’îles »[11] de l’amiral Liu Huaqing, l’objectif premier de Pékin reste la maîtrise des eaux autour de Taïwan et en Mers de Chine principalement. Cependant, les menaces contre les intérêts chinois à l’étranger sont dorénavant considérées comme un danger « imminent ». Cela confirme un tournant dans la posture stratégique officielle chinoise, privilégiant jusqu’alors la défense du territoire et une non-ingérence extérieure[12] prohibant les installations militaires à l’étranger. Dès lors, le développement d’une flotte « proportionnelle à ses intérêts » est aussi envisagé sous l’angle de la défense des infrastructures et des ressortissants chinois d’outre-mer, un million en Afrique[13], ainsi que des Sea Lines of Communication liées. La marine chinoise (APL-M) se prépare depuis 2004 à cette nouvelle conception en s’orientant graduellement vers une « Offshore Defense » intégrant les opérations navales à longue distance. L’APL-M est devenue un « service stratégique » dans le Livre Blanc chinois de 2013 et, pour la première fois, le domaine maritime est d’une importance « critique » dans celui de 2015. La 11e réorganisation militaire du 31 décembre 2015 a renforcé son importance au sein de l’armée. La flotte chinoise connaît depuis une dizaine d’années une rapide modernisation à vocation officiellement « défensive ». Représentant 11 % des effectifs[14] de l’APL, la marine bénéficie du tiers d’un 2e budget militaire mondial appelé à doubler entre 2010 et 2020[15]. Entre janvier 2016 et 2017, l’APL-M a mis en service l’équivalent de la moitié du tonnage de la Royal Navy britannique[16]. La construction en cours d’un 3e porte-avions plus moderne, Type-002, et le lancement de sous-marins Jin (SNLE, Type-094) et ShangII (SNA, Type-093A) attestent de l’ambition chinoise d’agir à terme dans les mers lointaines. Les améliorations qualitatives sont indéniables, tant au niveau de la doctrine, de la logistique que de l’entraînement. Ces nouvelles capacités s’expriment sur le terrain par l’envoi de navires d’escorte chinois luttant depuis 2008 contre la piraterie maritime dans le golfe d’Aden[17]. Pékin a en outre déployé 2 500 casques bleus en Afrique, au Sud-Soudan et au Mali notamment. Les autorités chinoises ont également tiré les leçons de la crise libyenne de 2011[18]. L’évacuation de ses ressortissants du Yémen vers Djibouti en mars 2015 a accéléré les négociations militaires avec ce dernier Etat. Par ailleurs, le caractère « militaro-commercial » de cette implantation reflète la double approche chinoise dans sa politique extérieure. Xi Jinping a lancé en 2013 le projet des nouvelles « Routes de la soie » commerciales (« One Belt, One Road », OBOR[19]). Son volet maritime consiste à établir un réseau d’infrastructures portuaires, parfois à usage dual[20] et connectées aux routes terrestres, le long de la voie Chineocéan Indien-Europe et Afrique. Plus de 50 % de ces investissements sont destinés à cette dernière, dont 2,5 milliards de dollars pour la voie ferrée reliant depuis 2017 le port de Djibouti à l’Ethiopie. Cet intérêt pour l’Afrique, dont la RPC est devenue le 1er fournisseur depuis 2009, va de pair avec un renforcement de la coopération militaire et des ventes d’armes chinoises[21]. Ces relations sont souvent qualifiées de « Chinafrique » néo-coloniale[22] de par leur caractère asymétrique, les importations de Pékin étant à 80 % constituées de matières premières, dont hydrocarbures et uranium. Enfin, la Chine a publié en janvier 2016 une « China Arab Policy » visant à renforcer sa coopération militaire et anti-terroriste au Moyen-Orient, en particulier avec l’Arabie saoudite et le Qatar.
Djibouti « offert en location au plus offrant[23]» ? Cet établissement militaire chinois prend place dans la République de Djibouti (RD), ex-colonie française indépendante depuis 1977. Création « artificielle » de près d’1 million d’habitants en majorité Issas somalis, le pays reste pauvre[24], endetté et fait encore face aux restes de la rébellion du FRUD armé[25] au nord. Il profite d’une rente de situation géostratégique constituée des loyers acquittés par les puissances étrangères lui rapportant 200 millions de dollars par an. Cette position est renforcée par les luttes antiterroristes et anti-piraterie depuis 2001-2008. En place depuis 1999, réélu à 87 % en avril 2016 pour 5 ans, le président Ismaël Omar Guelleh (un Issa) dirige en réalité un régime autoritaire et clientéliste. Il a réprimé le « printemps arabe » local en 2011. Les relations diplomatiques avec la RPC datent de 1979 mais un rapprochement s’est produit depuis que l’APL-M avitaille à Djibouti en 2008, évoluant vers un « partenariat stratégique de sécurité et de défense » en février 2014. Au-delà d’une redevance chinoise de 20 millions de dollars par an, le dirigeant djiboutien bénéficie surtout de « contreparties » dont l’absence de critiques sur les droits de l’Homme et les accords commerciaux de janvier 2016 avec Pékin, devenue son 1er fournisseur et investisseur. Les investissements annuels du dragon asiatique sur place équivalent au produit intérieur brut djiboutien actuel.
La France est la puissance tutélaire traditionnelle de Djibouti. Elle en assure depuis 1977[26] la protection militaire en raison d’un accord de défense renégocié en décembre 2011[27] et entré en vigueur le 1er mai 2014. Paris continue de garantir l’indépendance et l’intégrité de cette République, la seule en Afrique à avoir conservé une telle clause de sécurité officielle (art. 4). A cette fin, la France maintient à Djibouti sa plus grande force militaire de présence à l’étranger, moyennant un loyer annuel de 30 millions d’euros. Elle contribue notamment au contrôle aérien et maritime militaire du pays. A partir de la fin de la Guerre froide, les effectifs des Forces françaises stationnées à Djibouti (FFDj) n’ont toutefois cessé de baisser jusqu’à 1 450 soldats permanents en 2017. Le rapport Fromion-Rouillard[28] s’inquiétait en 2014 que les FFDj ne soient la « variable d’ajustement » des restrictions budgétaires et du redéploiement militaire régional français. Déjà notable sur le plan économique, un éventuel relâchement des liens politiques a été évoqué lors de la venue de M. Guelleh à l’Elysée en février 2017. Pourtant, Paris a amorcé un réinvestissement militaire en Afrique depuis une dizaine d’années en multipliant les interventions[29] et en passant depuis 2012 d’environ 5 000 à 8 000 militaires sur zone. De plus, 70 % de la coopération militaire française est destinée à ce continent et un attaché de défense est présent en RD. La LPM 2014-2019 réactualisée a acté cette situation dans une région classée comme une des priorités stratégiques françaises par le Livre Blanc de la Défense de 2013 et la Revue stratégique d’octobre 2017. Dans ce contexte, Djibouti reste avec Abidjan l’une des deux bases opérationnelles avancées de Paris sur le continent et les FFDj ne seront finalement pas réduites à 950 soldats.
Les autres grands acteurs présents, Etats-Unis et Japon, ainsi que l’Inde doutent de l’utilisation uniquement « défensive » de cette installation chinoise. Depuis 2002, l’US Army dispose à Djibouti de sa seule emprise militaire permanente en Afrique, avec 4 000 hommes au Camp Lemonnier. Washington l’utilise surtout pour mener des opérations à l’aide de drones décollant de Chabelley et de Navy Seals contre Al-Qaïda au Yémen et les Shebabs somaliens voisins. En 2014, le loyer a été réévalué à 63 millions de dollars annuels pour une durée potentielle de 20 ans[30] et les Américains ont annoncé 1,4 milliard de dollars de dépenses dans leurs infrastructures. Des tensions américano-djiboutiennes sont néanmoins apparues en 2015 lorsque les troupes américaines ont dû évacuer leur camp secondaire d’Obock au bénéfice des Chinois. D’autant que ces derniers, malgré l’opposition du président Guelleh, pourraient accueillir temporairement des navires de guerre russes selon l’accord de coopération militaire entre Pékin et Moscou du 4 juin 2016. Le partenariat sino-djiboutien exclut en effet toute « ingérence » de la RD dans les déplacements maritimes au sein de l’enclave militaire chinoise[31]. Le Japon, qui dispose d’une implantation militaire depuis 2011 (180 militaires en continu), et l’Inde voient dans l’OBOR et l’action chinoise à Djibouti la dangereuse continuation du « collier de perles »[32] portuaires stratégiques[33].
Enjeux
L’affirmation de la Chine dans le monde passe aussi par le micro-Etat désertique de Djibouti, occupant une position clé dans le détroit stratégique de Bab-el-Mandeb. Ce dernier est un carrefour maritime majeur entre l’Afrique, le Moyen-Orient pétrolier, l’océan Indien et la Mer Rouge menant via Suez à l’Union européenne, 1er partenaire commercial de la Chine. Cela explique la volonté chinoise d’un réseau de bases duales, dont Djibouti et Gwadar[34], reliant la RPC à ces régions. Il participerait à la fois à contourner par l’ouest l’« Act East Policy » indienne et via Gwadar le détroit de Malacca, contrôlé par l’US 7th Fleet, ainsi qu’à protéger le développement économique de l’OBOR[35] et du yuan. 1er importateur mondial de pétrole[36] et 90 % de ses exportations transitant par voie maritime, Pékin cherche à mieux défendre ses « artères jugulaires » d’échanges[37] contribuant à sa stabilité intérieure. De plus, Djibouti est le miroir de la politique africaine de la Chine dans laquelle diplomatie, pénétration commerciale et coopération militaire interagissent. Elle entend utiliser la RD telle une interface sécurisée vers et depuis l’hinterland africain, le COMESA[38] en particulier, nouveau relais de croissance pour une économie chinoise en surcapacité. La RPC élargit en parallèle sa sphère d’influence régionale[39] en liant ses investissements à la « bonne volonté » des Etats concernés. Pékin accroît aussi l’attrait d’une entente avec elle en acquérant une nouvelle capacité d’intervention militaire sur place grâce à sa base. Elle permet l’utilisation d’unités prépositionnées plus efficaces contre une piraterie désormais en décrue et dans la défense locale des intérêts chinois. Ces raisons sont réelles mais servent d’abord à légitimer la nouvelle implantation militaire. Il s’agit surtout pour l’APL d’engranger de l’expérience opérationnelle et d’obtenir une capacité autonome de projection lointaine et prolongée[40]. Le port en eau profonde de Doraleh autoriserait l’accueil de ses porte-avions et sous-marins, même si leurs performances sont à relativiser[41]. C’est au final le niveau de déploiement de la Chine à Djibouti qui révèlera celui de ses ambitions militaires. Enfin, Pékin peaufine avec son ancrage djiboutien sa stature de grande puissance mondiale responsable, comme l’a rappellé Xi Jinping le 3 novembre 2017, tout en flattant le nationalisme de sa population. Malgré sa posture de coopération multilatérale[42] pour la stabilité régionale, la RPC privilégie de facto les relations bilatérales et ses casques bleus en Afrique sont souvent là où elle a des intérêts à défendre[43]. Tout cela pourrait permettre à la Chine de devenir une alternative plausible aux partenariats occidentaux, tant en Afrique qu’au Moyen-Orient.
La stabilité djiboutienne est cruciale afin que les puissances extérieures bénéficient pleinement de leur positionnement in situ. Ces pays ne peuvent tolérer que soit branlée Djibouti, comme la France en 2008[44] ou l’Ethiopie aidant en mars 2017 un voisin assurant son désenclavement maritime[45] et avec lequel elle a un accord de défense depuis 2016. Le président Guelleh bénéficie par conséquent d’un parapluie militaire pérennisant son régime mais risquant de le vassaliser. En autorisant plusieurs emprises stratégiques, le dirigeant djiboutien tente de mener une politique d’équilibre entre les puissances afin de ne dépendre exclusivement d’aucune. La manne financière en découlant augmente mais aussi l’exposition aux attentats terroristes, dont celui à Djibouti-ville en mai 2014. Ismaël Omar Guelleh voudrait étayer son pouvoir en réduisant cette dépendance et les tensions internes par le développement d’un « Singapour africain ». Or, seule la Chine peut et veut fournir les financements nécessaires. La RD encourt ainsi un surendettement[46] dont Pékin fait payer le coût géopolitique en négociant son établissement militaire, entre autres[47]. Un possible accueil imposé de la marine russe ne serait-il pas une perte de souveraineté djiboutienne ? Toutefois, la RPC a conscience de l’intérêt de faire de Djibouti une vitrine de sa « Route de la soie » maritime[48] rompant avec l’image négative de la « Chinafrique ». Le 23 novembre 2017, le dirigeant djiboutien a ainsi été le premier chef d’Etat africain reçu par Xi Jinping depuis sa réélection en octobre dernier.
Les Etats-Unis, le Japon et l’Inde considèrent Djibouti comme un symbole de la montée en puissance chinoise que Washington espérait empêcher par ses dépenses et sa coopération de défense en RD. Les Américains se méfient d’un espionnage militaire avec l’arrivée du Guoanbu sur place[49]. Au-delà, les USA perçoivent ce point d’appui telle une pièce de l’« échiquier » OBOR et de la « China Arab Policy » aspirant à terme à constester leur suprématie mondiale. Néanmoins, la supériorité technico-opérationnelle de l’US Navy[50] pèse encore sur les axes majeurs d’approvisionnement chinois. En outre, le renforcement militaire anglo-américain prévu au port omanais de Duqm se ferait à mi-chemin entre Djibouti et Gwadar[51], contrant Pékin et soulignant un nombre de sites militaires américains dans le monde surclassant le sien. La vision obsidionale de New Delhi persiste, spécialement envers Gwadar et l’éventuel accueil à Djibouti des SNA chinois traversant déjà « son » océan Indien[52]. En réaction, elle consolide l’Indian Navy, sa présence commerciale à Chabahar en Iran, fait pression sur des pays tel le Sri Lanka[53] et projette avec le Japon depuis mai 2017 un « Asia-Africa-growth-corridor ». La Mer Rouge étant pour elle une importante voie d’échanges, Tokyo se rapproche de l’Inde[54] et des Etats-Unis tout en cherchant à renforcer son implantation militaire à Djibouti face au « militarisme » chinois[55]. Des entraides opérationnelles pragmatiques avec ces derniers existent malgré tout dans le golfe d’Aden contre la piraterie.
La France redoute un « effet d’éviction » la reléguant progressivement dans un statut de second ordre risquant de lui faire perdre son accès stratégique privilégié. Cela perturberait son dispositif militaire régional, Djibouti étant sa seule plateforme est-africaine d’entraînement et de projection interarmées vers l’Afrique, le Moyen-Orient[56] et l’océan Indien. Plus largement, la perception d’un déclin de l’influence française en Afrique affaiblirait son rang de puissance mondiale[57]. Dès lors, le maintien d’une clause de sécurité spécifique et de 1 450 soldats permanents, seuil de crédibilité des FFDj, ainsi que la relative « discrétion » sur les dérives du régime djiboutien ne sont pas fortuits. De plus, le récent activisme militaire africain de Paris a pu être vu comme une réaffirmation de la fiabilité de son alliance. Des experts pointent cependant les limites d’une approche strictement sécuritaire. Tout en maintenant de fait les atouts de cette Realpolitik, le président Macron vise en effet aussi à relancer le soft power français régional, à l’instar de son déplacement en Afrique de l’Ouest fin novembre 2017.
References
Par : Fabien DELHEURE
Source : Centre de documentation de l'Ecole Militaire
Mots-clefs : base militaire, Chine, Djibouti, politique extérieure, posture stratégique, République Populaire de Chine